Bibliothèque commune : notre sélection pour agir en 2023

En ce début d’année 2023, notre bibliothèque compte sept nouveaux ouvrages, invitant à se questionner sur notre rapport au monde. Un choix éditorial revendiqué afin d’apporter une signification et une impulsion aux actions de notre collectif.

Jérôme Baschet, historien médiéviste vivant au Chiapas ouvre dans Basculements – Mondes émergents, possibles désirables des pistes de réflexion sur les conditions d’un basculement de nos sociétés vers un monde post-capitaliste. L’idée : construire un maximum d’initiatives s’incarnant dans des lieux et contextes précis pour initier des projets privilégiant les connexions aux vivants et aux territoires pour sortir des logiques marchandes. L’accumulation de ces expériences pourrait peser dans une profonde mutation de nos modes de vie quand le capitalisme sera à nouveau ébranlé par un nouvel événement extérieur, tel qu’a pu l’être le Covid-19. En un mot : créons ici et maintenant des parcelles du monde dans lequel nous souhaitons vivre.



Cet ouvrage synthétise et apporte une contribution majeure à nombre d’auteurs déjà présents dans notre bibliothèque, tel que Ivan Illich, Murray Bookchin ou Renaud Garcia.

Chemin bordé d’arbres

A chacun de considérer son lieu de vie et de s’interroger de la pertinence d’y développer des alternatives compatibles avec le maintien de la vie. Selon l’urbaniste Guillaume Faburel, auteur de Pour en finir avec les grandes villes et du prix du livre d’écologie politique 2019 Les métropoles barbares « seules les perspectives territoriales réellement alter-métropolitaines, voire ouvertement et politiquement post-urbaines ont une chance d’aboutir« . Il serait temps de « cesser de faire masse contre la nature, pour enfin faire corps avec le vivant« .

Dans cette logique, habiter Cordemais et y créer des alternatives pour un monde compatible avec la vie revient à se détacher autant que possible des métropoles pour nos moyens de subsistance, en interrogeant nos modes de vies et en particulier nos usages quotidiens. Dans L’étrange et folle aventure du grille-pain, de la machine à coudre et des gens qui s’en servent, les historiens Gil Bartholeyns et Manuel Charpy révèlent comment les avancées technologiques domestiques s’accompagnent nécessairement d’une redéfinition culturelle. « Partout, les techniques ont à voir avec la façon d’être soi, d’éprouver le temps, de prendre congé du monde extérieur au sein d’environnements de plus en plus ‘domestiqués’ par une lumière à volonté, une chaleur égale, une eau disponible…« .

Utilisation d'une scie japonaise

Utilisation d’une scie japonaise

Se détacher de l’industrialisation folle et décapacitante invite ainsi à réapprendre des savoirs oubliés nécessaires à la refondation de sociétés moins dépendantes des flux monétaires et des énergies fossiles ou nucléaires. Voilà la démarche Charles Hervé-Gruyer de la ferme du Bec Hellouin dans son petit livre pratique Faire son bois de chauffage sans pétrole.

Le parcours idéal de la faux

Pour le menuisier-ébéniste Bertrand Louart, dans son ouvrage Réappropriation, jalons pour sortir de l’impasse industrielle, « sortir de l’approche technologique propre au capitalisme industriel implique de remettre le travail vivant au centre de la réflexion sur la technique. faciliter le travail, le rendre plus agréable et moins contraignant passe d’ailleurs moins par des innovations techniques fulgurantes que par une organisation plus égalitaire et coopérative de la vie sociale. »

Aiguisage de la faux à la pierre

Aiguisage de la faux à la pierre

Plutôt que de consommer sans cesse des loisirs palliatifs au vide existentiel de nos vies effrénées, la reconnexion au vivant incite à ralentir en entrant dans une phase de compréhension fine des ressentis et visions du monde des autres humains et non humains. Chercher à changer son regard sur son environnement de vie en l’arpentant, en le mangeant, en le ressentant aussi comme les animaux peuvent le percevoir. Ce désaxement, ce décentrage, cette sortie de l’anthropocentrisme, le rapport aux animaux domestiques nous y invite. Notre bibliothèque s’enrichit ainsi de deux manuels sur le rapport intime à des animaux sensibles : Comment pensent les chevaux ? et Le cheval médiateur.

Cheval mené à la longe

Du lien à l’animal émerge une sensibilité au territoire. Une nouvelle imprégnation des lieux de vie exempte de toute nostalgie, relvant plus du « sens des lieux » tel que le définit Jérôme Baschet à qui nous laisserons la conclusion : « Pour se transformer en basculement, le moment insurrectionnel a besoin d’une puissance préexistante faite de pratique d’auto organisation collective, de capacités techniques bien rodées, de subjectivités coopératives rompues à l’art de faire ensemble. Bref de l’expérimentation, même partielle, d’une existence déjà communale. C’est la véritable force de la lutte qui se joue là. »

Diaule attelée, se dirigeant vers le champ

Arnaud Meillarec

Depuis 2015, il met en place le Jardin-forêt des marais alliant arbres, plantes pérennes et annuelles sur 1000m2. En 2017, il co-fonde l'association "Cordemais en permaculture".